RESIDENCE ALTERNEE ET PERIODE DE FETES DE FIN D’ANNEE
L'actualité juridique en matière de garde d'enfants pendant les fêtes de Noël est marquée par l'entrée en vigueur en 2025 d'une réforme fondamentale concernant la résidence alternée.
Cette réforme, issue de la loi du 15 janvier 2024, transforme profondément l'approche des juges aux affaires familiales dans l'organisation de la garde des enfants, y compris pendant les périodes de fêtes.
La présomption de résidence alternée : un bouleversement des pratiques
L'article 373-2-9 du Code civil, dans sa nouvelle rédaction, établit désormais que, sauf motif grave ou exceptionnellement contraire à l'intérêt de l'enfant, la résidence de celui-ci est fixée en alternance au domicile de chacun des parents.
Cette disposition inverse radicalement la charge probatoire : ce n'est plus au parent demandeur de l'alternance de prouver son bien-fondé, mais au parent s'y opposant de démontrer pourquoi elle ne conviendrait pas.
Cette nouvelle approche s'inscrit dans les recommandations européennes de coparentalité et consacre une égalité de principe entre les deux parents dans l'éducation et l'hébergement de l'enfant.
Le législateur a toutefois encadré cette présomption par des critères d'évaluation précis que le juge doit examiner, notamment la proximité géographique des domiciles parentaux, avec un seuil indicatif de 20 kilomètres ou 30 minutes de trajet recommandé pour préserver la stabilité scolaire et sociale de l'enfant.
Les enjeux spécifiques pendant la période de Noël
La période des fêtes de fin d'année cristallise les tensions et soulève des questions pratiques d'organisation qui illustrent parfaitement les défis de cette nouvelle présomption. Bien que le Code civil ne prévoie aucune disposition spécifique pour les fêtes de Noël, la jurisprudence récente révèle une diversité d'approches judiciaires pour concilier résidence alternée et symbolique particulière de cette période.
Le Tribunal judiciaire de Rennes a ainsi fixé des modalités précises pour les vacances de Noël dans un jugement du 11 février 2025, prévoyant que les années impaires, la première moitié des vacances se déroule chez le père et la seconde moitié chez la mère, et inversement les années paires.
Des dispositions spécifiques sont établies pour le 24 et le 25 décembre, ainsi que pour le 31 décembre et le 1er janvier, avec une alternance entre les parents, sauf meilleur accord.
Cette décision illustre la volonté des juges de préserver l'égalité parentale tout en reconnaissant la dimension affective particulière de certaines dates.
Dans le même esprit, le Tribunal judiciaire d'Amiens a prévu, dans une décision du 18 juin 2025, un droit de visite spécifique pour Noël, permettant au père de bénéficier d'un hébergement du 24 décembre à 10 heures au 25 décembre à 10 heures les années impaires, et du 25 décembre à 10 heures au 26 décembre à 10 heures les années paires, avec des dispositions symétriques pour la mère.
Le tribunal a pris soin de préciser que ces modalités s'appliquent "sauf meilleur accord", encourageant ainsi le dialogue parental.
L'extension des droits de visite aux jours fériés
Une tendance jurisprudentielle notable concerne l'extension automatique des droits de visite et d'hébergement aux jours fériés qui précèdent ou suivent immédiatement les périodes fixées. Le Tribunal judiciaire de Bordeaux a ainsi précisé dans une décision du 21 juillet 2025 que si des jours fériés précèdent ou suivent immédiatement le début ou la fin de la période d'exercice du droit de visite et d'hébergement, ce droit s'exercera sur l'intégralité de la période.
Cette disposition vise à éviter les situations conflictuelles liées aux "jours charnières" et à maximiser le temps effectif passé avec l'enfant.
Le Tribunal judiciaire d'Évry a adopté une formulation similaire dans un jugement du 8 janvier 2025, prévoyant que si un jour férié précède ou suit la fin de semaine, il profitera au parent qui héberge l'enfant cette fin de semaine.
Cette approche pragmatique favorise la continuité et la stabilité pour l'enfant tout en reconnaissant l'importance symbolique des jours fériés.
La place prépondérante de la parole de l'enfant
La réforme consacre également une place centrale à la parole de l'enfant dans le processus décisionnel.
Cette évolution s'inscrit dans le prolongement de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'Homme, qui a rappelé dans l'affaire R.g. c. Suisse du 23 janvier 2025 l'importance d'un examen approfondi et d'auditions appropriées des parents et de l'enfant dans les décisions concernant la garde.
La Cour a souligné qu'une décision qui repose sur des motifs non pertinents et insuffisants, sans auditions adéquates des parties et de l'enfant, peut constituer une violation de l'article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme, qui protège le droit au respect de la vie privée et familiale.
Cette exigence européenne trouve une résonance particulière pendant la période de Noël, moment où les souhaits et les attentes de l'enfant concernant les traditions familiales peuvent revêtir une importance émotionnelle considérable. La réforme impose ainsi aux juges une évaluation individualisée tenant compte de l'âge de l'enfant et écarte la présomption défavorable qui existait auparavant pour les enfants de moins de 5 ans, imposant l'avis d'un expert psychologue si nécessaire.
Les sanctions du non-respect des droits de visite pendant les fêtes
La période de Noël est malheureusement propice aux non-représentations d'enfant et aux conflits entre parents. La jurisprudence récente et les dispositions légales offrent plusieurs recours. La Cour européenne des droits de l'Homme a réaffirmé dans l'arrêt Angelou c. Grèce du 3 juin 2024 l'obligation positive de l'État de garantir l'effectivité des droits de visite.
Cela implique non seulement la fixation juridictionnelle des modalités de contact, mais aussi la mise en place de mécanismes d'exécution et de protection proportionnés et opérationnels lorsque l'un des parents fait obstacle à l'exercice de ce droit.
Sur le plan pénal, la non-représentation d'enfant constitue un délit prévu par l'article 227-5 du Code pénal, sanctionnant le refus de remettre un enfant mineur à l'autre parent malgré une décision judiciaire exécutoire.
Un parent peut déposer plainte dès la première non-représentation, notamment pendant les fêtes de fin d'année, période particulièrement sensible.
L'encadrement strict des pouvoirs du juge
La Cour de cassation a rappelé à plusieurs reprises en 2024 et 2025 l'obligation du juge aux affaires familiales de fixer lui-même les modalités d'exercice du droit de visite et d'hébergement, sans déléguer cette responsabilité. Dans un arrêt du 12 juin 2025, la première chambre civile a censuré une décision qui renvoyait la détermination des modalités à un accord entre les parents, soulignant que cela méconnaissait l'étendue des pouvoirs du juge.
Cette exigence de précision judiciaire est particulièrement importante pour les périodes de fêtes, où l'absence de cadre clair peut générer des conflits.
De même, la Cour de cassation a confirmé le 12 juin 2024 que le juge ne peut déléguer aux responsables d'un lieu d'accueil la possibilité de modifier les modalités d'un droit de visite, car cela porte atteinte à l'étendue de ses attributions légales.
Cette jurisprudence garantit une sécurité juridique indispensable pour les parents et l'enfant.
Les exceptions à la présomption : violences intrafamiliales
La réforme prévoit une exception fondamentale à la présomption favorable à la résidence alternée en cas de violences intrafamiliales établies, la protection de l'enfant primant sur toute autre considération.
Cette disposition revêt une importance particulière pendant les fêtes de fin d'année, période souvent marquée par une intensification des tensions familiales. Le juge doit procéder à une évaluation rigoureuse de la situation et peut écarter la résidence alternée lorsque la sécurité de l'enfant l'exige.

.jpeg)